- BOURGOGNE MAGAZINE - N° 44 Juin-Juillet 2002 -

Tapiézo met l'art au coeur de la société

Artiste bourguignon vivant en Provence, Tapiézo synthétise l'art de vivre et la chaleur de ses deux régions. Ses toiles marient le métal et l'ocre, emploient "un abstrait familier" pour établir le contact, "élever le regard". Elles s'exposent dans les galeries, s'imposent en douceur dans le monde de l'entreprise. Mais Tapiézo se projette plus loin, développe des ateliers où tous, enfants, adultes, peuvent s'exprimer, libérer leurs tensions. Et trouver dans l'oeil de l'autre cette confiance qui fait tant défaut.

Quelques centimètres carrés de sérénité dans un monde de marges brutes, de bénéfices nets avant impôt. Un regard qui s'accroche à des oeuvres originales, uniques, tranchant avec les faciles posters ravalant les artistes au statut de motif mural. Ses oeuvres se vendent aux entreprises, se cotent sur le marché de l'art, sa démarche commence à prendre dans les écoles ou le monde du travail. Tapiézo pourrait être un artiste heureux. Il est un homme encore insatisfait. "Je désire voir plus loin et offrir à mon siècle" affirme-t-il tout de go.

Tout en ego ? Simplement le besoin de placer la barre aussi haut que possible. Là où, selon lui, le regard doit "s'élever" : "Picasso avait le cubisme pour dépasser les frontières. L'important est de montrer une écriture nouvelle. Et cela doit arriver sans chercher. Cela doit venir de l'intérieur, du coeur. Comme une offrande ! C'est la seule vérité d'une écriture unique."

Des mains qui fouaillent le sable et la peinture, reviennent aux extases de bac à sable, de body-painting période maternelle, se réconcilient avec la maïeutique de la création, l'expression libérée. "Toute ma force est là, et mes démarches pour un monde résolument moins violent trouveront les énergies pour être appliquées. Elles deviendront un standard, c'est ma croyance."

Alphabet universel

Tapiézo se concentre sur le présent, sur cet océan de douleurs dont le ressac frappe quotidiennement les sens et invite à s'engager, militer, se battre pied à pied : "Je privilégie l'action à la réflexion. Entreprendre, être en projet, être `capable de' sont les vraies clés de la vie. C'est ce que je souhaite à tous les enfants, être acteur de sa vie."

Persuadé que la souffrance individuelle se nourrit du manque d'estime de soi, l'artiste s'efforce depuis ses premières toiles de faire entrer l'art dans la vie de chacun. Ses oeuvres emploient invariablement le principe de la grille, de métal ou de bois. Loin d'une séparation, la grille est chez lui outil de lecture, quadrillage d'une page où reviennent les symboles rassurants, cercle, triangle, trait, point, d'un alphabet commun, d'un algèbre universel.

Dans d'autres toiles, chaque case répète le motif de la porte toscane. On est ici dans un "abstrait intime et chaleureux" visant à remettre le spectateur sur un chemin communautaire, à ramener le contact. "Je veux un accès facile, l'universalité, insiste Tapiézo. Donner des points d'ancrage, comme une poignée de main, une façon de mettre son regard dans les yeux de l'autre."

Fidèle à sa philosophie d'action, le peintre n'a pas tardé à développer ce qu'il appelle la "Démarche Tapiézo", pour aider à résoudre les situations d'échec, de conflit, dans les écoles et le monde de l'entreprise. S'appuyant sur les vertus thérapeutiques de l'art et de l'expression qui revalorise : son "École du futur" est "un retour au bac à sable inducteur d'espoir et de réussite dans le plaisir." "Permettre de projeter les non-dits pour distancier toutes les pulsions. La violence interne, l'agressivité peuvent être mises à distance grâce à une gesticulation artistique symbolique. La sublimation, l'enthousiasme se produisent quand le regard des autres est accepté, qu'il y a exposition des oeuvres et un relais dans la presse."

Le contact physique avec la matière renvoie selon lui au "bercement", à "l'origine de l'enfance" : "Au cours de ces ateliers, on extrait des couches qui viennent de loin. Parfois, pour les adultes, il y a des larmes, c'est une libération." Une véritable opportunité pour développer sa part d'autonomie et élargir la capacité collective.

Cette "École du futur" a été expérimentée en Provence, à Dijon, à Paris, mais aussi en Belgique et aux États-Unis: "Cela reste du compte-gouttes ! Introduire ma démarche à l'Éducation nationale, qu'elle s'applique de la maternelle à la 3ème afin de bonifier les rapports avec l'enseignant. Développer l'autonomie individuelle, soutenir la société, l'entreprise avec ce procédé hors norme qui est également un préalable à toute démarche conceptuelle."

Tapiézo est persuadé que cette extraction des mouvements violents peut "se décliner à tous les enfants du monde" car sa démarche est sans contrainte de langage. Il l'a prouvé lors d'une intervention au musée d'Oostende pour les élèves de l'École Normale de Gent. Sur le même mode, en remplaçant le mot "enfant" par le mot "salarié", sa "démarche" devient "Entreprise du futur" : "Sous un aspect récréatif s'effectue une structuration de l'esprit qui permet une accession à des concepts élaborés."

En douceur, sans douleur, en couleur.